La clinique avec la personne âgée une situation de frayage libidinale

 

 

Pour Freud, l’âge des patients aurait une incidence sur la possibilité du travail psychanalytique. Selon ses dires, avec l’âge il y aurait un matériel trop important, qui rendrait interminable le travail. De plus, les capacités d’élaboration de la personne seraient altérées, il parle d’une diminution de la plasticité des processus. Le fait que Freud soit l’inventeur de la psychanalyse y est certainement pour beaucoup dans ce discours. Il ne pouvait pas s’intéresser à tous les champs cliniques et en même temps fonder une science.

 

Mais déjà dans son entourage, des personnes comme Ferenczi ou Abraham ont eu quelques intérêts pour des patients âgés. Aujourd’hui, avec l’évolution des sociétés et le nombre croissant de personnes âgées, la psychanalyse ne pourrait-elle pas apporter quelques lumières sur certaines questions que le vieillissement pose ? Il semble que cela soit l’avis de certains, qui tente de questionner l’avancée en âge avec les outils psychanalytiques. En outre, Freud, lui-même, a insisté sur l’intemporalité de l’inconscient. Il convient alors de partir de la clinique du sujet âgé pour tenter de voir comment elle peut venir interroger les concepts freudien. Et comment ces concepts peuvent enrichir la réflexion autour du vieillissement et des pathologies associées.

 
Il est possible de commencer une psychothérapie à tout âge ! 

 
Sara Dangréaux est joignable au 06 74 14 57 00 et vous reçoit à sa consultation au 93 rue de Maubeuge, 75010 Paris. 
Comme le dit l’expression, il n’est jamais trop tard pour bien faire !
Peut importe que vous vous considériez, vous ou les autres, comme une personne âgée, s’il y a des éléments qui font souffrance ou encombrement pour vous, débuter une psychothérapie est le bon moment. 

Un cas de sublimation chez un centenaire

 

Il n’est pas rare à l’heure actuelle de parler des personnes centenaires. Mais la question qui s’ébauche sur toutes les lèvres c’est à quel prix ? Perdre la tête, ne plus pouvoir marcher, finalement ne plus pouvoir rien faire. Voici ce qui peut émerger du fantasme collectif concernant le vieil âge. Nous allons proposer l’exemple d’un homme de cent trois ans, rencontré en établissement pour personnes âgées dépendantes. Ce cas n’a pas valeur de généralité mais semble offrir une voie particulière et intéressante du vieillissement.

 

Cet homme, M. S., vit au sein de l’établissement pour personnes âgées depuis quatre ans, lorsque je le rencontre. Avant cela, il vivait avec une femme d’un peu plus de vingt ans sa cadette. Il a une fille d’un précédent mariage. Sa venue dans cet établissement fut causé par une très grande diminution de sa vue, lié à l’âge, le rendant presque aveugle (il distingue les ombres). Dans l’espace de sa chambre, il arrive à se déplacer et demeure autonome. Il sort de sa chambre pour goûter à la douceur du soleil sur sa peau et continue de faire quelques exercices d’entretien pour la marche, dans la cour sur laquelle donne sa chambre. M. S. est autonome et conserve toutes ses capacités intellectuelles.

 

Je rencontre cet homme, qui parle volontiers de lui et de sa vie non, avec un certain plaisir. M. S. était dentiste, voie qu’il a choisie pour faire plaisir à ses parents et notamment à son père. Mais il a toujours été artiste dira t-il. Il fréquentera tout au long de sa vie des cercles de peintre, jouera du piano et fréquentera les femmes, inspiration de sa vie. Cependant, une femme l’inspirera plus que toutes les autres, sa mère.

 

Dans cette maison de retraite, M. S. parle peu aux autres personnes, il reste dans son monde et ne parle qu’avec les soignants auprès desquels (une majorité de femme) il a un certain charme. Sa chambre est décorée de peintures, le poste de radio est toujours allumé sur radio classique et il y écrit des poèmes. Pour un homme qui ne voit pas, écrire pourrait être un problème mais il semble que, plus que de poser ses lignes sur du papier, il les inscrit dans sa mémoire. Et tous ses poèmes sont pour sa mère, qu’il compare à la vierge marie.

 

Lors de nos entretiens, il finira par parler du souvenir le plus marquant de sa vie. Lorsqu’il était enfant, il a été atteint vers quatre ou cinq ans d’un problème oculaire, qui l’a rendu aveugle pendant presque une année. Il a donc dû rester à la maison auprès de sa mère. Son père était souvent en déplacement et son grand frère était scolarisé. Ainsi, pendant presque une année, il est resté seul avec sa mère qui prenait soin de lui, notamment au travers de soins pour ses yeux, qui suppuraient. Il dira que le fait d’être avec sa mère a rendu cette période si agréable qu’il en a été déçu lorsqu’il a été guérit.  

 

Aujourd’hui, âgé de cent trois ans, sa création artistique était dédiée à sa mère, au travers de ses poèmes qu’il comptait aux personnes qui venaient auprès de lui. Ceci participait au charme que lui trouvait les soignantes, mères elles aussi. La gratification a connu un regain lorsque ses poèmes sont parus dans la gazette de la maison de retraite. 

 

Ne pourrait-on pas voir, en ce cas, l’exemple du travail de la sublimation. Contrairement à l’exemple de Léonard de Vinci, M. S. a connu des femmes et en a aimé. Mais tout au long de sa vie son attachement particulier à sa mère est resté. Il la compare à Marie, qui a enfanté par l’intervention du Saint Esprit donc sans relation sexuelle. A cet âge où sa vie sexuelle active n’est plus, cet homme semble avoir trouvé une autre voie pour sa libido. L’aspect sexuel génital ici mis de côté pour louer cette femme pure et conter son amour à sa mère. Il commence à lui écrire des poèmes alors qu’il ne voit plus. Ce qui n’est pas sans rappeler cet évènement de l’enfance où pris de cécité, il a dû être soigné par sa mère.   

 

Cet abandon des buts sexuels, de la libido, peut-être dû en partie par l’âge de cette personne, la vieillesse influent sur l’activité sexuelle. Chez cet homme, il semble que cette énergie, désexualisé mais disponible pour le moi, soit utilisé pour la création. M. S., qui avait déjà une propension pour l’art, s’est mis à créer des poèmes pour son objet d’amour, sa mère. Et ce, de manière désexualisé, comparant sa mère à la vierge, il lui adresse sa tendresse. En outre, en partageant ses poèmes, il a pu bénéficier d’une gratification narcissique. Après des années en tant que dentiste il était enfin connu pour son art.

 

Par le biais de cette création artistique, il a certainement satisfaisait un désir. Celui de dire son amour à sa mère. Amour désexualisé ? La question reste en suspend car il n’a pas eu les yeux crevé pour avoir bravé un interdit. L’âge lui a fait perdre la vue et il a retrouvé son amour d’enfant.