Le narcissisme participe de l’évolution de la libido mais aussi de celle du Moi. Avec la deuxième topique (1923), Freud fait du Ca le réservoir pulsionnel. Le Moi n’étant pas formé dès le début, il ne peut pas être le réservoir pulsionnel. Ainsi, c’est le Ca qui envoie la libido vers l’extérieur, lorsqu’il n’y a pas encore distinction des objets. C’est seulement ensuite, lorsque le Moi est formé et suffisamment fort, qu’il reprend à son compte les investissements portés aux objets par le ça. Le narcissisme du moi est donc un narcissisme secondaire, retiré aux objets. Le Moi reprend donc une quantité mais aussi une qualité de cette libido retirée aux objets. D’où l’importance de l’entourage de l’enfant car il reprend une qualité de l’investissement libidinale des parents.

La pulsion une fois sur le moi est une pulsion désexualisée pour devenir pulsion narcissique. La sublimation passe par cette voie du Moi, qui transforme la libido sexuelle en libido désexualisé, afin de servir des buts socialement plus élevés. Cette pulsion désexualisée offre une énergie disponible pour des objectifs culturel et/ou sociétal. Le cadre de la création artistique s’inscrit dans cette lignée de la sublimation.

L’artistique offre un support à la sublimation, la transformation de la pulsion en autre chose, qui va permettre la communication, l’échange. C’est important car la pulsion agressive, la pulsion destructrice sont de la pulsion et on repère cela très bien dans la pathologie avec la question de la haine retournée contre soi ou les autres. Et donc cette voie sublimatoire par l’activité artistique est une des voies importantes lorsque l’on travaille avec la médiation artistique, importante par rapport à cette question de prise en soin du sujet.

En outre, la sublimation offre des voies d’investissements pour la pulsion vers l’extérieur. A la faveur d’élément frustrant de la réalité ou de situation de deuil ou même de pathologie, il peut y avoir une régression de la libido dans le moi et il est important alors de trouver des voies d’investissement vers l’extérieur afin que cela ne désorganise pas le Moi. Par exemple, le délire des grandeurs. Si toute la libido est investie sur le Moi, la réalité extérieur n’étant plus investie cela coupe du monde extérieur et peut-être que là vous reconnaitrez ce qu’il en est dans la psychose. Mais dans la névrose aussi il peut y avoir des moments de retrait de la réalité extérieur avec un retour des investissements sur le moi comme dans la question du deuil. Mais toute la question là va être celle de la durée.

Donc la question de la médiation artistique a à voir avec cette question de la sublimation avec un objet support de l’investissement, un objet artistique, avec cette dimension salutaire pour l’être.

Au début, l’activité sexuelle[1] de l’enfant n’est pas dirigée vers quelqu’un d’autre. En outre, il n’y a pas d’unité du corps, dans un premier temps. Le plaisir est donc éprouvé par le biais d’une zone érogène, le suçotement en est un exemple. Téter est nécessaire pour la survie du nourrisson et, de ce besoin physiologique, nait le plaisir. Ainsi, Les pulsions sexuelles partielles, partielles parce qu’ayant trait à des zones érogènes partielles, s’étayent sur les pulsions d’autoconservation. Vers l’âge de six ans, survient la période de latence avec une vague de refoulement sur la période infantile de la sexualité. Mais la pulsion peut aussi échapper à cette vague de refoulement et être sublimée. Après la vague de refoulement, il y a réunification des pulsions sexuelles. C’est à ce stade intermédiaire, que Freud va ajouter le narcissisme. Avant que les pulsions sexuelles unifiées ne soient dirigées vers l’extérieur, vers un objet, elles vont être dirigées vers l’intérieur. Le Moi va devenir l’objet des pulsions sexuelles. C’est cette phase intermédiaire, où les pulsions sont dirigées sur le Moi, que Freud nomme « narcissisme ». Le Moi va investir, ensuite, cette libido sur l’extérieur au travers de deux choix d’objets. Soit par étayage sur les objets parentaux, objets infantiles. Soit par choix d’objet narcissique, en lien avec cette manière d’investir son propre corps. Car Freud le souligne, le Moi est avant tout corporel.

La sublimation offrant une voie vers l’extérieur quand un choix d’objet est complexe.

Les activités à médiation peuvent permettre, avec le concours d’un autre bienveillant à ses côtés pour l’accompagner et la mise à distance que permet l’objet si besoin, de restaurer les origines du sentiment d’être lié aux premières relations, dans le champ de la psychose. Et de relancer la voie de la dynamique pulsionnelle dans le champ de la névrose. Donc relancer la voie de la vie et non d’une fixation ou régression mortifère.

L’artistique peut permettre la sublimation. De là, l’artistique peut permettre de se désengluer de ce qui fait problème, blocage et va offrir une voie nouvelle d’expression de la libido en un objet qui peut s’échanger au niveau symbolique. Que ce soit l’échange dans le fait de le donner ou l’échange dans la parole que ça va produire.

L’artistique s’inscrit donc aussi dans la voie du nouage entre le réel, le symbolique et l’imaginaire. 



[1] Bien sûr il ne s’agit pas de l’activité sexuelle génital à savoir celle des adultes mais du terme sexualité au sens psychanalytique du terme à savoir la sexualité infantile prégénitale.